Aerosmith est un groupe étrange : ils ont tourné avec les Kinks dans les 70’s, nos parents ont dansé sur leur musique, certains d’entre nous ont peut-être été conçus sur un fond de « Dream On », et pourtant, il paraît tout neuf. La musique sonne étrangement actuelle, et personne ne se rappelle d’avoir vu la tête de Steven Tyler jeune. De fait, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre en allant les voir. La fosse bourrée d’ados avec leurs copines effraie pour le moins : quand on a une copine qui ne ressemble pas à un pote (traduisez : « qui rote après ses trois pintes de bière et qui défonce les épaules des voisins pendant les pogos »), on ne l’amène pas dans les premiers rangs de la fosse. Mais tentons de ne pas avoir d’aprioris. On en a vus d’autres, et ce genre de public garde difficilement sa place devant la scène.
Mais la première partie confirme toutes les craintes : un groupe de baby rockers dont je n’arrive pas à retrouver le nom aujourd’hui, pas même dans le flot de forums pour ados, entre deux « G été voir Aerosmith hier, CT juste tro ouf ». Une heure de bousin donc, qui ne parvient pas à réveiller la salle, qui souffre déjà de la chaleur. Coup très dur, sachant que certaines rumeurs annonçaient ZZ Top…
Après trois quarts d’heure d’installation de matos, le groupe arrive enfin sur scène, avec « Love in an elevator ». Wah, ils ont des costumes comme sur les photos… Ils jouent comme à la télé… Ca sonne comme sur le disque… Merde… Qu’est-ce que je fais là… Mais restons positifs ! Première bonne nouvelle, Joe Perry à la guitare. Il risque d’y avoir du beau solo. Bah non. Un ridicule solo d’une minute qui aurait servi d’entraînement à un gratteux de groupe de fête foraine. Mais cette minute était belle encore, comparée au solo de batterie de Brad Whitford, qui finalement n’était qu’un rythme un peu rapide.
Le public bouge peu. Très peu. C’en est énervant. Mais il faudrait pas que bobonne se pète un talon. Ah, « I don’t want to miss a thing », ça c’est pour elles. Le groupe nous gratifie d’images du film Armageddon pendant toute la durée de la chanson (non, ce n’est pas une blague). Les trois pauvres demi-écrans derrière la scène ne serviront d’ailleurs qu’à ce genre d’atrocités (on a même eu droit à un clip en intégralité !).
Tyler gesticule sans interruption pendant tout le show, prenant la pause pour les photos, et tout ça ne fleure pas vraiment le naturel… Rien n’a sonné naturel durant ce concert finalement… Ni les « pauses », ni les costumes, ni même la musique en soi (je soupçonne fort la présence d’une bande pour la voix, pour assurer en cas de pépins, mais ça n’engage que moi. Je remarque juste que Tyler n’a pas fait une seule micro-erreur de voix pendant près de deux heures, et que ça colle un peu le doute… ).
En gros, Aerosmith interprète Aerosmith. Ils ne le sont pas. De fait, ils n’ont pas réussi à créer cette bulle autour d’eux, qui aurait embarqué le public, comme c’est le cas de la majorité des concerts. On ne va pas voir un concert pour écouter de la musique, mais pour l’expérience. Pour faire corps avec le groupe, et vivre ensemble la musique. C’est ce que ne nous ont pas offert Aerosmith, en remplissant leur rôle comme un employé de bureau va au travail, cochant toutes les cases de son planning une à une. Dommage… Après un rappel conventionnel de trois chansons, les lumières se rallument, c’est le moment où, après un concert digne de ce nom, on se remet lentement de l’esprit dont on s’est imprégné, et qui s’évapore doucement, le long du trajet jusqu’au métro. Rien à évacuer ici, personne n’a été imprégné de quoi que ce soit. Après deux heures passées à un mètre de la scène (la photo ci-dessous a été prise avec mon téléphone, sans utiliser le zoom, j’ose donc dire que j’étais au cœur de « l’action »), je n’avais pas réussi à rentrer dedans.
Aussi ne saurais-je que trop vous conseiller d’y aller comme on va au cinéma en famille : place assise, jumelles, pop corn, et un magazine pour combler l’attente… ou mieux : n’y allez pas.
Bonne journée !